Auteur : Serge Halimi.
Titre : Les nouveaux chiens de garde.
Publication : Raisons d’agir, 2005.
ISBN : 9782912107268
INTRODUCTION
Le livre Les Nouveaux Chiens de garde a été écrit par Serge Halimi en 1997 et mis à jour en 2005. Ce livre dénonce la connivence entre les médias, le pouvoir économique et politique en France. Il emprunte son titre à Paul Nizan, auteur du livre en 1932 Les Chiens de garde, qui critiquait les intellectuels serviles à l'ordre bourgeois. Serge Halimi actualise cette critique en analysant les dérives des journalistes contemporains, qui sont, selon lui, devenus les serviteurs d’une information marchandisée.
1. CONTEXTE HISTORIQUE ET TRANSFORMATION DES MÉDIAS
Dans les années 1960, la relation entre les médias et l’État était très centralisée. Par exemple, le ministre de l’Information pouvait directement donner des directives aux télévisions publiques. Cependant, les réformes des années 1980 (notamment la privatisation des chaînes comme TF1) ont déplacé cette dépendance vers des groupes financiers et des industriels privés.
Le passage de la centralisation étatique à la privatisation n’a pas éliminé la servilité des médias. Au contraire, elle l’a redirigée vers des actionnaires influents comme Martin Bouygues (la chaîne de télévision, TF1) ou Serge Dassault (le quotidien Le Figaro).
2. LES PROTAGONISTES ET LEURS RÔLES
Serge Halimi critique des figures emblématiques du journalisme qui étaient perçues comme des piliers de l’indépendance, mais qui ont, en réalité, pactisé avec les pouvoirs en place selon l’auteur :
- Patrick Poivre d’Arvor (PPDA) : ancien présentateur vedette de TF1. Il symbolise un journalisme qui prône une image lisse et conforme du monde.
- Christine Ockrent : journaliste à France 3. Victime elle-même des ingérences politiques lors de son éviction de L’Express.
- Jean-Marie Cavada : directeur de France 5. Il représente la connivence entre le pouvoir politique et les médias.
- Michel Field : ancien activiste d’extrême gauche qui a glissé vers une posture consensuelle au centre droit médiatique.
Ces personnes incarnent un journalisme de connivence où les échanges de services (promotion politique contre une visibilité médiatique) dominent.
3. LE MYTHE DE L’INDÉPENDANCE JOURNALISTIQUE
Serge Halimi montre que les journalistes français se revendiquent souvent des contre-pouvoirs, mais cette posture est rarement sincère. À travers des exemples, l’auteur illustre les mécanismes de connivence :
- Sélection des journalistes : en France, il est courant que les politiques choisissent leurs interlocuteurs parmi les journalistes les plus conciliants lors d’interviews.
- L’exemple des émissions politiques : lors de la campagne présidentielle de 1995, Jacques Chirac fut interrogé sur des sujets triviaux (combien de variétés de pommes connaissez-vous ?), évitant les questions sensibles.
- Le pluralisme illusoire : le Conseil supérieur de l'audiovisuel - CSA, censé garantir une information pluraliste, est composé de personnalités choisies par des instances politiques dominantes.
4. LA MARCHANDISATION DE L’INFORMATION
Les médias sont de plus en plus perçus comme des entreprises à but lucratif. Ce phénomène réduit la diversité des points de vue et favorise une vision uniformisée dictée par les impératifs financiers. Quelques exemples illustrent cette tendance :
- TF1 et le “cerveau disponible" : le PDG de TF1, Patrick Le Lay, déclara que la télévision vend avant tout du temps de cerveau humain disponible à ses annonceurs.
- Le rôle des publicitaires : les rédactions sont influencées par les attentes des annonceurs impliquant une autocensure. Les reportages ne correspondant pas aux critères de l’annonceur sont mis de côté par les médias.
- Les émissions d’évasion : les grandes causes humanitaires ou les débats légers sont souvent privilégiés pour ne pas heurter les intérêts des annonceurs.
5. CAS EMBLÉMATIQUES D’ÉCHEC
Serge Halimi recense des événements majeurs où la presse a failli dans son rôle d’éclaireur :
- La maladie de François Mitterrand : le silence des médias sur le cancer de l’ancien Président de la République française durant son mandat est une preuve de complaisance.
- La guerre du Golfe : la couverture médiatique a été presque unanimement favorable aux positions occidentales, réduisant de ce fait au silence les opinions critiques.
6. LES ALTERNATIVES ET L’ESPOIR
Serge Halimi termine en soulignant que tous les journalistes ne sont pas compromis. Certains journalistes continuent à défendre une information indépendante. Toutefois, ces voix dissonantes sont fréquemment marginalisées.
Il appelle à une prise de conscience collective pour rétablir la mission première du journalisme, informer sans biais, même au prix de déplaire aux puissants, médias, actionnaires, publicitaires, etc.
CONCLUSION
Le livre Les Nouveaux Chiens de garde est une analyse intéressante du rôle des médias dans une société où le pouvoir économique l’emporte sur l’intérêt public. Serge Halimi plaide pour une réforme en profondeur de l’écosystème médiatique afin de rétablir la véritable indépendance de la presse en mettant en lumière la connivence entre les élites journalistiques, politiques et économiques.