Ce livre m'a été recommandé par un collègue, qui comme moi, cherche à améliorer sa compréhension sur les sujets économiques et financiers. Les établissements bancaires, les compagnies d'assurance, les politiciens et les gouvernements profitent de notre méconnaissance de ce sujet pour nous éloigner de la vérité. J'ai opté pour un abrégé de ce livre au lieu d'un synopsis, car il m'a permis de mieux appréhender la conjoncture économique actuelle de la France et j'avais envie de vous le partager.
Auteur : Andrew Dickson White.
Titre : La crise financière française de 1789-1799.
Publication : Jardin Livres, 2013.
ISBN : 9782914569729
ABRÉGÉ DU LIVRE :
Andrew Dickson White a écrit "La Crise Financière Française de 1789-1799" (titre original : Fiat Money Inflation in France. How It Came, What It Brought, and How It Ended). Cet ouvrage est un essai historique qui explore les causes et les conséquences de la crise financière pendant la Révolution française. L’auteur se concentre sur l'émission et la dépréciation des assignats et des mandats.
1. RETOUR EN ARRIÈRE AVANT LA RÉVOLUTION
La France se trouve avec une dette et un énorme déficit en 1789. Jacques Necker, ministre des Finances, est un fervent opposant à l'émission de monnaie-papier, préférant une gestion plus prudente. Cependant, des politiciens cherchent une solution rapide à la crise de la dette. L’idée d'émettre de la monnaie-papier pour sécuriser les ressources sans payer d'intérêts gagne du terrain. Cette idée est d'autant plus séduisante qu'elle est un moyen d'utiliser les vastes propriétés de l'Église, qui viennent d'être confisquées par l'État.
L’auteur fait un parallèle avec l'expérience désastreuse de la monnaie-papier sous John Law, soixante-dix ans plus tôt, sous le règne de Louis XV. Bien que la nouvelle monnaie soit présentée comme plus sûre, car adossée aux biens de l'Église et gérée par un gouvernement constitutionnel, des personnes comme Jacques Necker et Jacques-Antoine de Cazalès mettent en garde contre une nouvelle catastrophe.
En avril 1790, le décret est promulgué pour l'émission de 400 millions de livres d'assignats, garantis par la propriété immobilière de l'Église. Ces billets portent un intérêt de 3 % et sont conçus pour être utilisés dans l'achat des terres de l'Église. La première émission est un succès.
Cinq mois plus tard, le gouvernement français a dépensé les 400 millions de livres et il se retrouve de nouveau en danger avec la dette. Malgré les avertissements de ceux qui prédisent que l'inflation ne pourrait pas être maîtrisée, une nouvelle émission est réclamée. Le comte de Mirabeau, malgré ses appréhensions initiales envers la monnaie papier, a finalement décidé de la défendre en soulignant que la France est une nation unique et que cette nouvelle monnaie est garantie par les propriétés foncières.
Sa démagogie l'emporte sur l'expérience, balayant les arguments de Jacques Necker et d'autres opposants. Le débat est intense entre les politiques, mais une seconde émission de papier-monnaie est décidée.
2. CE QUE CELA DÉCLENCHA ET LES CONSÉQUENCES
La crise a été provoquée par la circulation de monnaie-papier, les assignats, entraînant une baisse de la valeur de la devise. Cela a créé une vaste classe de débiteurs, y compris ceux qui avaient acheté des terres de l'Église, dont l'intérêt était de voir la valeur de la monnaie continuer à baisser pour pouvoir rembourser leurs dettes plus facilement.
Des spéculateurs ont rejoint les débiteurs qui ont exercé une forte pression sur l'Assemblée pour obtenir de nouvelles émissions d'assignats. Malgré l'inflation et la perte de valeur, l'idée fausse que l'émission de plus de monnaie enrichirait le peuple s'est répandue, ce qui a conduit à de nouvelles émissions d’assignats.
La dépréciation constante de la monnaie a conduit à une hausse des prix des produits de première nécessité, tout en faisant baisser les salaires des ouvriers. Face à cette situation, le gouvernement a mis en place plusieurs mesures radicales :
Une loi a été votée pour prélever une taxe sur les revenus des citoyens aisés, dont une partie a été utilisée pour acheter du pain afin d'apaiser la colère du peuple.
La loi du maximum a été instaurée en septembre 1793 pour fixer les prix des biens de première nécessité. Malheureusement, cette loi a engendré des pénuries, car les fermiers et les marchands cachaient leurs produits pour éviter de les vendre à perte.
Le gouvernement a rendu illégal le commerce de l'or et de l'argent afin de lutter contre la dépréciation des assignats. Les personnes qui refusaient les paiements en assignats risquaient de lourdes amendes, la prison, voire la peine de mort et la confiscation de leurs biens.
Toutes les tentatives pour garantir la valeur des assignats ont échoué, car elles étaient contraires aux lois naturelles de l'économie. L’auteur en conclut que le pouvoir de fixer les prix et de manipuler la monnaie conduit inévitablement au despotisme.
3. COMMENT CELA S'EST TERMINÉ
Le Directoire a tenté à plusieurs reprises de stabiliser la situation financière de la France à la fin du XVIIIe siècle, mais toutes ses tentatives ont échoué lamentablement. L'une des premières mesures fut un emprunt forcé de 600 millions de francs auprès des classes les plus riches, mais cette initiative n'a pas amélioré la situation. Une proposition de banque nationale a également été rejetée par les capitalistes qui craignaient la foule en colère.
Le gouvernement a alors décidé d'émettre une nouvelle monnaie papier, appelée mandats, qu'il a présentée comme “complétement garantie et aussi sûre que l'or”. Pour que ces nouveaux billets soient garantis, le choix de l'immobilier public était mis à part pour un montant égal à la valeur nominale de l'émission et toute personne offrant un quelconque montant de mandats pourrait immédiatement prendre possession des terres du gouvernement. Le prix était déterminé par deux experts, un nommé par le gouvernement et l'autre par l'acheteur, sans les formalités et les délais précédemment fixés pour l'achat de terres avec des assignats.
Paradoxalement, le gouvernement continuait d'émettre les anciens billets (assignats) en même temps qu'il en créait de nouveaux.
Malgré les grandes attentes, la valeur des mandats s'est effondrée rapidement :
- Ils ont démarré à 35 % de leur valeur nominale, avant même d'être mis en circulation.
- Ils sont ensuite tombés à 15 %, puis à 5 %.
- En août 1796, six mois après leur première émission, ils ne valaient plus que 3 %.
Le gouvernement a eu recours à diverses méthodes pour soutenir les mandats, notamment en publiant des pamphlets vantant leurs avantages. Un de ces pamphlets, signé "Marchant", affirmait que les mandats ne pouvaient pas perdre de valeur comme les assignats, mais il fut contredit par leur dépréciation quasi immédiate. Des mesures pénales ont aussi été mises en place pour punir ceux qui dénigraient les mandats ou refusaient de les accepter, avec des amendes et des peines de prison allant jusqu'à quatre ans. Cependant, ces lois n'ont pas réussi à stopper la chute de la valeur des mandats.
La fin de la monnaie papier en France est survenue après une série de décrets. En juin 1796, la circulation des assignats de plus de 100 francs a été arrêtée, ce qui a détruit le peu de confiance qui restait dans cette monnaie. Entre le 4 et le 14 février 1797, il a été ordonné de détruire les presses d'impression des mandats et des assignats. En mai 1797, les assignats et les mandats ne valaient pratiquement plus rien.
Le Directoire a également tenté de rembourser les dettes de l'État en émettant des obligations qui ont rapidement perdu leur valeur. La nation entière, des riches aux pauvres, était plongée dans la ruine financière. La classe ouvrière et les personnes à revenu fixe ont été les plus durement touchées par cette crise. Ils devaient faire la queue pendant des heures pour des rations de pain. Durant ce temps, des spéculateurs comme Jean-Lambert Tallien sont devenus millionnaires grâce cette instabilité monétaire, tandis que les crédules s'appauvrissaient.
La nation a fini par se remettre de cette crise. La monnaie métallique a commencé à réapparaître et le commerce a repris lentement. Le rétablissement complet a pris près de quarante ans pour que le capital, l'industrie et le crédit retrouvent leur niveau d'avant la Révolution.
4. LA FIN DE LA MONNAIE-PAPIER
Au départ, l'émission de monnaie-papier a semblé stimuler l'économie. Cependant, cette stimulation a rapidement conduit à la pression des spéculateurs et des démagogues pour de nouvelles émissions. Une fois la "digue rompue", le flot de la monnaie non-convertible a échappé à tout contrôle. Cette situation a entraîné des conséquences sur la population et des problèmes moraux.
Les personnes vivant de revenus fixes et de petits salaires ont été les premières touchées, car leur pouvoir d'achat a chuté. Le prix des denrées de première nécessité a augmenté, mais les salaires n'ont pas suivi le même rythme. Le commerce et les manufactures, d'abord stimulés par les émissions, ont fini par s’étioler à cause d'une surproduction malsaine. De ce fait, la demande de travail a chuté et le chômage a augmenté. Les commerçants ont également souffert, car les achats ont diminué à mesure qu'ils augmentaient leurs prix pour compenser l'inflation. L’ensemble de cette descente aux enfers a provoqué une stagnation générale et un sentiment d'insécurité.
L'incertitude économique a transformé les affaires en un jeu de chance, ce qui a favorisé la spéculation et une exaltation pour les gains démesurés. L'épargne n'avait plus de sens, une mode de dépense immédiate et d'extravagance a émergé. La corruption a entraîné une méfiance généralisée et un cynisme à l'égard de l'honneur national et du patriotisme.
La crise a illustré la "loi d'accélération de l'émission et de la dépréciation" selon laquelle il était de plus en plus difficile d'arrêter l'émission de monnaie-papier après la première émission. À son arrivée au pouvoir, Napoléon Bonaparte a pris la décision de ne payer qu'en espèces malgré une situation fiscale catastrophique. Il refusait tout recours à la monnaie papier non-convertible. Cette politique a permis à la France de se stabiliser et de prospérer financièrement, même à travers les guerres.
5. CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS ET TABLE DES ÉMISSIONS DES ASSIGNATS
1789
5 mai : le roi Louis XVI convoque les États Généraux pour tenter de sauver le Trésor public de la faillite.
14 juillet : prise de la Bastille après plusieurs jours d’émeutes à Paris.
2 novembre : les propriétés de l'Église sont confisquées par l’État.
1790 à 1793
1790 : les assignats papier sont émis pour un montant total de 1,2 milliard de livres.
1791 : les nouvelles émissions d'assignats portent le total à 2,1 milliards. Une nouvelle constitution est mise en place. L'Assemblée législative remplace l'Assemblée nationale.
1792 : la France entre en guerre avec la Russie et l'Autriche. Le roi est renversé, la monarchie est abolie. La Convention nationale remplace l’Assemblée législative. Le montant des assignats en circulation atteint 3,4 milliards de livres.
1793 : le roi Louis XVI et la reine Marie-Antoinette sont décapités. Le règne de la Terreur commence. Le commerce avec des espèces est interdit. La loi du prix "maximum" est mise en place pour contrôler les prix de l'alimentation. Le total des assignats en circulation s'élève à 4,2 milliards de livres.
1794 à 1799
1794 : Robespierre est élu président de la Convention nationale. Des milliers de personnes sont exécutées par décret du tribunal révolutionnaire. Robespierre est décapité, ce qui met fin au règne de la Terreur. Le total des assignats en circulation atteint 7 milliards de livres.
1795 : les assignats en circulation atteignent 35 milliards de livres. Le Directoire est en place.
1796 : les assignats sont détruits et remplacés par des nouveaux billets en papier, les mandats, à un taux de 30:1. Les mandats ne valent plus que 3 % de leur valeur nominale.
1797 : les assignats et les mandats n'ont plus de cours légal et deviennent sans valeur.
1798 : le Directoire continue de gouverner, mais l'activité économique est perturbée et mécontentement du peuple.
1799 : Napoléon Bonaparte arrive au pouvoir pour "sauver la République”.
LES PROTAGONISTES ET LEURS FONCTIONS :
Jacques Necker : Ministre des Finances sous Louis XVI, opposé à la monnaie-papier non-convertible. Symbole d'une gestion financière prudente, mais inefficace face aux pressions politiques.
Mirabeau : homme politique et orateur influent. Initialement opposé aux assignats, il soutient finalement leur émission sous la pression.
Cambon : Ministre des Finances pendant la Révolution, connu pour ses tentatives de stabilisation économique et son opposition à l'or et à l'argent comme moyens d'échange.
Couthon : député révolutionnaire, soutient des lois drastiques pour contrôler l’économie et réprimer la spéculation.
Du Pont de Nemours : économiste et député, fervent opposant à l’émission de monnaie-papier, il avertit des dangers d’une inflation incontrôlée.
Talleyrand : homme d'État influent, soutient la confiscation des biens de l’Église et l'émission initiale des assignats, mais devient critique envers les émissions excessives.
Louis XVI : roi de France, figure centrale, mais passive dans la gestion de la crise économique, marquant la chute de la monarchie.
La population générale : leur fonction est celle de victimes de l'inflation et de la dépréciation monétaire. Ils sont décrits comme se tournant vers l'or et l'argent face à la perte de valeur des assignats, et subissant la hausse du prix du pain.
CONCLUSION
Le livre met en lumière les erreurs économiques majeures de la Révolution française, notamment l’utilisation des assignats, des mandats et leurs effets dévastateurs sur la société. Il explore comment la mauvaise gestion de la crise financière a conduit à l'instabilité politique et à la montée d’un régime autoritaire.